Bref. Je suis interne en médecine générale.
Publié le 02/11/2012
Il faut que vous sachiez que, si je suis entré en médecine, c'est pour faire de la médecine générale en milieu rural.
Point barre.
Mon cabinet, tranquille, à une petite échelle, et laissez-moi tranquille.
C'était limpide au départ.
Mais beaucoup d'éléments m'ont fait douter au cours de mes études.
D'abord, et j'ai un peu honte de l'admettre, le dénigrement de cette spécialité par mes professeurs et un grand nombre de praticiens hospitaliers.
Vous me répondrez "Et alors ? C'est pour tes patients que tu bosses !".
Certes oui !
Mais on a du mal à prendre du recul à 19-20 ans quand, après avoir passé le barrage de la première année, nos seuls contacts avec notre futur métier ne se font qu'au CHU, au travers de ces personnes.
Inutile de dire que j'ai vite appris à ne pas répondre "généraliste" lorsqu'on on me demandait ce que je voudrais faire quand je serai grand.
Pour nombre d'entre eux, c'était synonyme d'un manque total d'ambition et de capacités intellectuelles.
Alors on commence par se renfrogner puis, à force, par douter.
Pourquoi diable s'engager vers une spécialité si rabaissée ?
Pourquoi gâcher tous nos efforts ?
Heureusement est vite arrivé l'externat et, avec lui, la possibilité de choisir mes terrains de stage.
J'ai alors découvert dans les hôpitaux
périphériques un univers dans lequel je me sentais beaucoup plus à l'aise.
Ambiance bien moins délétère, dimensions plus humaines, rapports avec les aînés plus amicaux, et beaucoup plus de pratique ne consistant pas uniquement à tenir les murs ou ranger des bilans (je caricature un chouïa).
Ces stages m'ont permis de m'affirmer et d'apprendre à agir par moi-même.
Ouf !
Et là, les avis sur la médecine générale étaient plus partagés.
Evidemment rien n'est tout blanc ou tout noir, mais il n'était pas rare qu'on me réponde "C'est une belle spécialité", ou "Le choix du courage", etc.
Heureusement, parce que j'aurais forcément fini par laisser tomber.
(Je suis quand même volontairement retourné au CHU pour quatre des douze stages de mon externat.
Son côté rigoureux et très théorique complète l'aspect davantage pratique de la périphérie, aidant à bien se préparer à l'ECN et à adopter une réflexion plus carrée.
Donc je ne crache pas dessus, mais je suis bien content de ne pas y avoir passé l'essentiel de mon temps.)
Finalement, en D3, c'est la chirurgie viscérale qui m'a surtout fait hésiter.
Deux choix radicalement opposés.
Je pense que l'attrait de la chirurgie me venait essentiellement de ces stages où je pouvais VRAIMENT soigner, avoir un impact direct sur le patient, quasi instantané.
Eprouver ce sentiment inestimable d'utilité.
Avoir participé activement et avec mes petites mains à la guérison d'un patient.
Une situation comparable à celle des services d'urgences/réanimation, avec cette dimension magique du soin immédiat.
C'est bien loin du train-train quotidien des services de médecine où :
- l'externe va voir l'entrée (le patient qui vient d'arriver)
- rédige une observation de sa plus belle écriture
- fait son rapport à l'interne avec qui il retourne voir le patient
- puis l'interne en parle au chef de clinique/à un praticien hospitalier pour que le trio aille voir le patient une troisième fois.
Ce qui fait que deux entrées occupent l'externe toute l'après-midi.
L'horreur, quoi.
Plusieurs choses m'ont aidé à rebrousser chemin et à me retourner vers la médecine générale :
- Le mode de vie et d'exercice que j'avais toujours envisagé, libre, autonome, sans hierarchie
- Toutes les disciplines m'intéressaient, et je ne me voyais pas me limiter à une seule
- Le risque de m'ennuyer intellectuellement dans une autre spécialité, avec des pathologies moins variées ; même si le corrolaire est que j'ai longtemps eu peur d'être un mauvais généraliste, justement parce que toutes les disciplines se mélangent
- La volonté de me placer en première ligne, en soins primaires, afin de pouvoir soigner mes patients en prenant un maximum de choses en compte
-
La Maladie de Sachs, écrite par Martin Winckler
- L'option
Médecine Générale que j'ai suivie à la fac, brisant beaucoup de mes préjugés
- Les blogs et messages des externes/internes/docs que je suis sur Twitter (je crois que j'en ferai un billet, tant cela a compté)
- L'attitude de mon jury lors de l'oral du CSCT, devant lequel j'avais particulièrement brillé durant 10 minutes, il faut bien le dire, et auquel je répondais "médecine générale" à leur toute dernière question : un petite surprise initiale puis de nombreux voeux de réussite qui, je pense, n'étaient pas feints
- Entre la fin des ECN et le jour du choix final, de nombreuses autres lectures parmi lesquelles
Juste après dresseuse d'ours (Jaddo),
Loin des villes, proche des gens (Dr Borée) ainsi que d'autres livres de Winkler
- Et, finalement, mon poste de Faisant Fonction d'Interne m'a permis de découvrir que les rapports humains occupaient une place centrale dans l'idée que je me faisais de mon futur métier, et que les résultats médicaux pouvaient parfois être aussi radicaux que ceux portés par un bistouri.
Bref. Je suis interne en médecine générale.